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mêmes en soient privés, et où elle existe assez, cependant, pour que tous connaissent ses charmes et la désirent avec ardeur, que dans une telle contrée il y ait presque toujours une transaction qui s’offre d’elle-même. Il est facile d’amener une tribu qui a un territoire trop vaste pour elle, mais qu’elle ne possède pas, à en céder une partie, à la condition d’obtenir la propriété incommutable du reste. Le titre qu’on donne est le prix de la terre qu’on retient. Ainsi, il n’est pas exact de dire que l’introduction d’agriculteurs européens sur le sol d’Afrique est une mesure dont l’exécution est impraticable. Sans doute, elle présente des difficultés et pourrait même offrir de grands périls si on y procédait au hasard, et si elle n’était pas conduite par une main habile, humaine et délicate ; nous ne le contestons pas : nous nous bornons à dire ici que le succès en est possible et sur certains points facile.

Mais qu’importe, dit-on, que vous ayez préparé le sol, si l’Européen ne peut y vivre !

Votre Commission, messieurs, ne saurait admettre que les faits justifient de semblables craintes.

Un mot d’abord sur la santé des Européens adultes. Il est incontestable que quand nos troupes, en Afrique, ont été exposées, sans abri, à l’intempérie des saisons ou à des fatigues excessives, il y a eu parmi elles beaucoup de malades. Il est hors de doute encore que quand des populations civiles ont été placées dans des lieux malsains ou se sont trouvées réduites à toutes les horreurs du besoin et de la misère, la mort a sévi très —cruellement parmi elles. Mais ces funestes événements tenaient-ils aux circonstances ou au pays lui-même ? Toute la question est là. Nous pourrions citer bien des faits pour prouver que la mortalité est due bien moins au climat lui-même qu’aux circonstances particulières et passagères dans lesquelles les Européens se sont trouvés ; mais pour atteindre ce but, nous croyons qu’il suffira de faire une seule remarque.

Ce qui éprouve le plus la santé des Européens dans les pays chauds, personne ne l’ignore, c’est le travail manuel pendant l’été et en plein air. Les mêmes hommes qui, sous le tropique, se portent bien quand ils peuvent éviter, dans leurs travaux, la chaleur du jour, sont exposés à de grands périls quand ils la bravent. Le travail au soleil est l’épreuve définitive et le signe certain auquel on