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pas élevé le prix des transports à moins de 43 pour 1 00 de la valeur des objets transportés. Cette dépense ne peut être représentée par un chiffre moindre de 13 millions. M. le rapporteur ajoute que, si l’on tient compte de plusieurs dépenses très-considérables qui sont également motivées par l’état des chemins, telles que celles qui sont nécessaires pour entretenir, dans les équipages militaires, un matériel et un personnel disproportionnés avec les forces numériques de l’armée, on doit conclure qu’on peut porter à 16 millions la part du budget absorbée chaque année en Afrique par les transports de toute nature.

Il est hors de doute que s’il existait, entre les principaux postes de l’intérieur et la côte, des routes sur lesquelles les voitures pussent habituellement passer, le personnel et le matériel des équipages militaires pourraient être fort réduits ; par suite de la même cause, les prix réclamés par les entreprises particulières des transports seraient considérablement diminués, et de l’ensemble de ces deux circonstances naîtrait une grande économie pour le Trésor. De bonnes routes ne serviraient pas moins les intérêts de notre domination que ceux de nos finances. C’est par l’ouverture des routes que s’est achevée la pacification de toutes les populations longtemps insoumises. Les routes font plus que de faciliter les mouvements de la force matérielle ; elles exercent une puissance morale qui finit par rendre cette force inutile. Les routes ne donnent pas seulement passage aux soldats, mais à la langue, aux idées, aux usages, au commerce des vainqueurs.

Les routes ont, de plus, en Afrique, cet avantage particulier et immense, de concourir de la manière la plus efficace aux progrès de la colonisation, de quelque façon que celle-ci soit entreprise. Les routes servent directement la colonisation en donnant aux nouveaux habitants des moyens faciles de communiquer entre eux, et de transporter leurs produits sur les marchés où ils doivent les vendre le plus cher, et d’aller chercher la main-d’œuvre là où ils peuvent l’obtenir à plus bas prix. Elles la servent indirectement, en procurant aux colons de grands profits.

Partout où le transport se fait à dos de bêtes de somme, ce sont les Arabes qui en profitent. Aujourd’hui ils perçoivent la plus grande partie des treize millions dont parle le rapport de l’honorable M. Allard. Partout, au contraire, où le transport par voiture