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une prime à l’agriculture algérienne, acheter en Afrique les produits plus cher qu’on ne les payerait ailleurs ; nous croyons seulemeni qu’il serait peu politique et même peu économique de tendre à les y obtenir à vil prix, ou de faire subir aux producteurs des conditions difficiles à remplir. N’oublions pas que l’État est encore en Algérie dans une situation très-exceptionnelle. Principal et quelquefois unique consommateur, il domine les marchés et y fixe les prix. Que si, profitant de cette position particulière, il paralysait les productions en n’achetant les produits qu’au-dessous de leur valeur, ou en fixant des prix qui exclueraient la possibilité, ou même la probabilité d’un profit raisonnable, il ne nuirait pas seulement aux cultivateurs d’Afrique, il se nuirait à lui-même, et, pour faire un petit gain, il s’imposerait à la longue d’immenses dépenses. Nous devons, du reste, dire à la Chambre que M. le ministre de la guerre a paru aussi pénétré que nous-mêmes de ces vérités, et a exprimé la volonté d’en faire l’application continue.

CHAPITRE XXIX
SERVICES MILITAIRES INDIGÈNES, 462,000 FR.

Le gouvernement demande un crédit de 432,000 fr. pour maintenir à 200 hommes l’effectif des escadrons de spahis dans la province de Constantine. Votre Commission approuve cette dépense. Avant l'ordonnance du 21 juillet 1845, la province de Constantine possédait 8 escadrons de spahis, qui, à 200 hommes par escadron, donnaient 1,600 cavaliers. Si les 8 escadrons étaient réduits à 6, et l’effectif de chaque escadron à 150 chevaux, il en résulterait la nécessité de licencier 700 cavaliers. Il y aurait beaucoup d’ inconvénients à prendre une telle mesure.

La création des escadrons de spahis a eu dans toute l’Algérie cet avantage, d’attirer sous nos drapeaux et de retenir dans nos rangs les indigènes, qui, ayant le goût et l’habitude du service militaire, iraient probablement servir nos ennemis s’ils ne nous servaient pas nous-mêmes. Mais leur utilité dans la province de Constantine est plus directe encore et bien plus grande. Là, les escadrons de spahis ne sont pas formés d’aventuriers ; c’est l’aristocratie militaire du pays qui les compose. Dans la province de Constantine, les spahis ne