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proposer le vote des crédits que nous croirons utiles ; survient, non point un détail d’opérations militaires, mais un grand fait, un fait entièrement nouveau et inattendu, qui doit bientôt changer la face des affaires ; l’effectif qu’on nous demande de fixer peut en être modifié ; ces crédits, qu’on soumet à notre examen, en deviendront sans doute insuffisants ; et la Commission aura outre-passé ses pouvoirs en faisant connaître au gouvernement que telles étaient à ses yeux les conséquences inévitables de la résolution qu’il allait prendre ! En vérité, cela peut bien se dire, mais ne saurait se comprendre. Ce que la Commission a fait ici, deux Commissions de la Chambre l’avaient fait avant elle. Si celles-ci avaient agi inconstitutionnellement, pourquoi le cabinet les a-t-elles écoutées ? Si elles étaient restées dans les limites de la constitution, pourquoi ce même cabinet refuse-t-il de nous entendre, et nous adresse-t-il un reproche qu’il ne leur a pas adressé ? Quant à la raison tirée de la forme que la majorité de la Commission aurait donnée à sa communication, la Chambre nous permettra de ne pas tenir cette raison pour sérieuse. Ce qui a été fait dans cette circonstance a été fait dans mille autres. Tous les jours les Commissions, et surtout les Commissions de finances, mettent par écrit les observations et les avis qu’elles croient devoir soumettre au gouvernement, et placent sous ses yeux une rédaction qui précise leur pensée.

La Charte donne au roi, dit-on, la libre disposition des forces de terre et de mer. Qui le nie ? Avons-nous prétendu contester au roi l’usage de cette prérogative, ou en gêner en quoi que ce soit l’exercice ? empêchions-nous le gouvernement de permettre l’expédition parce que nous l’avertissions qu’elle nous paraissait, comme elle nous paraît encore, impolitique et dangereuse ? Le gouvernement restait assurément libre de l’entreprendre. Nous ne voulions qu’une chose, dégager notre responsabilité, la vôtre, messieurs, et remplir notre devoir.

La majorité de la Commission persiste à croire qu’elle aurait manqué à ses obligations les plus claires et les plus pressantes, si elle eût agi autrement qu’elle n’a fait. Elle continue à penser que les raisons qu’elle a données pour éclairer à temps le gouvernement sur les résultats politiques et financiers de l’expédition qui allait se faire étaient puissantes, et qu’il était plus facile de refuser de les entendre que d’y répondre d’une manière convaincante. î