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sieurs fois, les armes à la main, les rétablir ou les défendre ? Forcés d’administrer des peuplades qui sont divisées par des inimitiés séculaires, pourrons-nous prendre en main les intérêts des unes, sans nous attirer l’hostilité des autres ? Si nos amis et les dissidents, comme le dit la proclamation de M. le maréchal, se font entre eux la guerre, ne serons-nous pas forcés à intervenir de nouveau ? La mesure qu’on prend aujourd’hui n’est donc que le commencement d’une grande série de mesures qu’il va falloir prendre ; c’est évidemment le premier pas dans une longue route qu’il faudra de toute nécessité maintenant parcourir, et au bout de laquelle, messieurs, se trouve non un échec à nos armes, mais un accroissement inévitable de nos embarras en Afrique, de notre armée et de nos dépenses.

La Commission des crédits extraordinaires disait l’an dernier : nous croyons que des relations pacifiques sont le meilleur, et peut-être le plus prompt moyen d’assurer la soumission des Kabyles. Jamais prévision des Chambres ne s’était mieux et plus rapidement réalisée : déjà un grand nombre de tribus kabyles, attirées par notre industrie, entraient d’elles-mêmes en relations avec nous et s’offraient de reconnaître notre suprématie. Ce mouvement pacifique agitait celles même qui n’y cédaient point encore. N’était-il pas permis de croire, messieurs, qu’au moment où la paix réussissait si bien, on ne prendrait pas les armes ? Vous ne trouverez donc rien d’étrange à ce que votre Commission se soit émue comme vous-mêmes, en apprenant l’expédition qu’on exécute.

Maintenant, lu majorité de la Commission a-t-elle eu tort de manifester au gouvernement les impressions que cette nouvelle inattendue faisait naître dans son sein ? A-t-elle mérité qu’on refusât même de l’entendre, en lui disant qu’elle outre-passait les pouvoirs de la Chambre et qu’elle entreprenait sur les droits de la couronne ?


La Chambre comprendra que de tels reproches aient été vivement ressentis et ne puissent rester sans réponse. Comment ! messieurs, le gouvernement a saisi la Chambre de toutes les questions d’Afrique, en lui présentant les lois de crédits nécessaires aux différents services ; à son tour, la Chambre nous a chargés d’examiner la situation des affaires en Algérie, et de lui