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rien faire supposer de semblable ; qu’elle ne voulait qu’exprimer au gouvernement une opinion qu’il devait désirer lui-même fonnaître ; qu’en chargeant son président délaisser dans les mains de M. le ministre de la guerre une copie certifiée de son procès-verbal, elle n’entendait faire autre chose que de donner à sa pensée un caractère précis et certain qui permît au gouvernement d’en bien apprécier le sens.

En vertu de cette délibération, M. le président se rendit auprès de M. le ministre de la guerre, lui fit connaître les opinions de la Commission, et laissa la copie du procès-verbal qui les constatait.

La Commission reçut le 11 avril, de M. le ministre de la guerre, une lettre par laquelle le gouvernement du roi, après avoir exprimé la surprise qu’il avait éprouvée en voyant la Commission prendre une délibération sur une question qui rentre exclusivement dans les attributions de la prérogative royale refusait de recevoir la communication qui lui était faite.

Voilà les faits, messieurs ; la Chambre comprend qu’ils sont très, graves.

La majorité de la Commission a-t-elle eu tort ou raison de penser que l’expédition de la Kabylie était dangereuse et impolitique ? A-t-elle, comme l’en accuse clairement le gouvernement, outrepassé ses pouvoirs et ceux de la Chambre, en exprimant son opinion à cet égard à M. le ministre de la guerre ? C’est ce que nous allons examiner.

La question de la Kabylie n’est pas nouvelle, messieurs ; il n’y en a guère qui ait été déjà plus souvent examinée par le gouvernement et les Chambres. Non-seulement elle avait été souvent l’objet d’un examen, mais elle avait toujours reçu jusqu’ici la même solution de la part des grands pouvoirs de l’État. Toutes les Commissions qui se sont occupées des affaires d’Afrique depuis plusieurs années, la Commission de 1844, celle de 1845, celle de 1846, ont exprimé, avec une énergie croissante, cette idée qu’une expédition ne devait pas être faite dans la Kabylie. Le gouvernement n’a pas été moins explicite. À plusieurs reprises, M. le maréchal Soult a exprimé devant la Chambre la même opinion. Cette opinion a été professée, il y a peu de temps encore, par M. le ministre de la guerre. Il en a fourni lui-même la preuve à la Commission, en faisant passer sous