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Un tel état de choses est plein d’inconvénients et même de périls, nous le prouverons par un seul exemple, il frappera la Chambre. Personne n’ignore quelle est l’importance de la ville de Constantine, on peut dire que cette ville est la clef de la province ; presque tous les hommes considérables du pays y ont des propriétés et beaucoup des relations de famille. Il n’y a rien, à coup sûr, qui touche de plus près à la politique que l’administration d’une pareille ville. Eh bien ! le commandant supérieur de la province ne peut exercer aucun contrôle ni même aucune surveillance sur les fonctionnaires civils qui régissent la population de Constantine. Ce n’est qu’à titre de condescendance qu’ils suivent ses avis. Que le commandant supérieur de la province s’aperçoive que le conmissaire civil, qui administre la ville, va prendre une mesure de nature à compromettre la tranquillité publique, il n’aura qu’un moyen légal de s’y opposer, ce sera de prévenir à Alger le gouverneur général, lequel s’adressera d’abord au directeur général des affaires civiles, celui-ci au directeur de l’intérieur, et celui-là au sous-directeur de Philippeville, qui intimera enfin au commissaire civil de Constantine l’ordre de s’abstenir.

Tout ceci, nous ne craignons pas de le dire, est aussi contraire au bon sens qu’à l’intérêt du service.Il n’est sage nulle part, mais surtout dans un pays conquis, de laisser complètement indépendants l’un de l’autre l’autorité qui administre et le pouvoir politique qui gouverne, de quelque nature que soit le représentant de ce pouvoir, et à quelque classe de fonctionnaires publics qu’il appartienne.

Telle est l’organisation des services civils en Afrique. Voyons quels sont les maux et les abus de tous genres qui en découlent. Si l’on calcule la somme totale à laquelle s’élèvent les traitements accordés aux fonctionnaires ou aux divers agents européens des services civils en Algérie, on découvre qu’elle s’élève à plus de quatre millions[1], bien que la population administrée ne dépasse guère cent

    pas seulement aux Européens, il gouverne les Arabes. Il ne représente pas seulement le ministre de la guerre, mais, par délégation, le souverain lui-même.

  1. Environ 3,700,000 fr. sont demandés au budget de l'État, en 1848, pour cet objet. Plus de 600,000 fr. ont été alloués pour le même objet par le budget local et municipal de cette année. Il importe de remarquer