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affaires se termineraient ils moins plus vite. Mais il n’en est rien ; plusieurs d’entre elles, avant d’être réglées par M. le ministre de la guerre, sont examinées, discutées et débattues par plusieurs de ses collègues. Les principaux travaux publics sont soumis au conseil royal des ponts et chaussées, les affaires des cultes et de la justice le sont d’ordinaire au garde des sceaux, celles de l’instruction publique au ministre de ce département. De telle sorte qu’on a les inconvénients de la centralisation de tous les services dans une seule administration, sans ses avantages.

Après l’excessive centralisation de Paris, le plus grand vice de l’organisation administrative d’Afrique, c’est la centralisation excessive à Alger. De même qu’on a forcé toutes les affaires quelconques qui se traitent à Alger de venir aboutir à Paris, on a contraint toutes les affaires d’Afrique à passer par Alger. Les deux centralisations sont aussi complètes l’une que l’autre ; mais leurs conséquences ne sont pas les mêmes. Toutes les affaires, petites ou grandes, qui sont attirées à Paris, y sont du moins traitées et résolues ; tandis que quand elles viennent à Alger, elles n’y vont en quelque sorte que pour s’y faire voir ; non-seulement elles ne sont pas réglées à Alger, mais on doit reconnaître que pour un grand nombre d’entre elles il y a impossibilité de les y bien régler.

L’Algérie forme politiquement une seule unité indivisible ; il est nécessaire que le gouvernement des tribus indigènes, la direction de l’armée, et encore plus celle de la guerre, y émanent d’une seule pensée. Mais l’unité administrative des trois provinces, au moins quant aux détails, est un être de convention, une conception purement arbitraire, qui n’existe que par la volonté du législateur. Ce n’est pas la proximité des lieux qui la justifie, car il est ordinairement plus court d’aller du chef-lieu des provinces à Paris qu’à Alger. Ce n’est pas non plus la communauté des intérêts qui l’explique, car chacune des trois provinces a une existence à part, des intérêts spéciaux et des besoins qui lui sont propres. On ne les connaît guère plus à Alger qu’à Paris même. Il existe de grands rapports d’affaires entre chacune d’elles et la France, très-peu de l’une à l’autre ; cela s’aperçoit aujourd’hui à un signe bien évident : la crise financière et industrielle qui désole en ce moment Alger et les villes qui en dépondent n’est point ressentie à Philippeville et à