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fait précisément le contraire. Un rapide examen va le prouver à la Chambre.

Ce qui frappe d’abord dès qu’on étudie les règles suivant lesquelles se meut l’Administration de l’Algérie, c’est l’extrême centralisation de la métropole. Dire que la centralisation des affaires à Paris est aussi grande pour l’Afrique que pour un département de France, c’est rester infiniment au-dessous de la vérité. Il est facile de voir qu’elle s’étend beaucoup plus loin et descend beaucoup plus bas. En France, il y a un grand nombre de questions administratives qui peuvent être tranchées sur place par des fonctionnaires se-

    rendre lente et difficile, c’est plus que gêner le corps social, c’est l’empêcher de naître.
    La commission dont M. Charles Buller a été le rapporteur, et qui fut envoyée, en 1858, au Canada, sous la présidence de lord Durham, pour rechercher quelles étaient les causes qui empêchaient la population de se développer dans cette province aussi rapidement que dans les États-Unis, attribue l’une des principales à la nécessité où sont tous les émigrants qui veulent se fixer dans la colonie de venir chercher leur titre de propriété à Québec, chef-lieu de la province, au lieu de l’obtenir— partout sur place, comme aux États-Unis..
    En Afrique, on ne saurait acheter ni louer un mètre du sol appartenant à l’État, sans une longue instruction, qui ne se termine qu’après avoir abouti à M. le ministre de la guerre.
    Une seule exception a été faite à cette règle, en faveur de la province d’Oran. Là, le gouvernement local a été autorisé à concéder le domaine, sauf ratification de la part du ministre, à certaines conditions, et jusqu’à une certaine limite indiquée à l’avance. Tous ceux qui connaissent la province d’Oran pensent que le grand mouvement d’émigration et de colonisation qui a eu lieu depuis un an dans cette partie de l’Algérie tient principalement à ce que chacun des colons qui se présente est sur d’être aussitôt placé.
    Nous croyons devoir signaler à l’attention de la Chambre, comme un document utile à consulter, le rapport de la commission du Canada, dont nous parlions tout à l’heure. Ce rapport jette de grandes lumières, non-seulement sur la question du Canada, mais sur celle de l’Algérie. Les causes qui font échouer ou réussir la colonisation dans un pays nouveau sont si analogues, quelque soit ce pays, qu’en lisant ce que M. Buller dit du Canada, on croit souvent entendre parler de l’Afrique. Ce sont les mêmes fautes produisant les mêmes malheurs Un retrouve là, comme en Algérie, les misères des émigrants à leur arrivée, le désordre de la propriété, l'inculture, l’absence de capital, la ruine du pauvre qui veut prématurément devenir propriétaire, l’agiotage stérilisant le sol…