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L’expérience a aussi fini par nous apprendre de quels moyens il fallait se servir pour comprimer le peuple arabe. Ainsi, nous n’avons pas tardé à découvrir que les populations qui repoussaient notre empire n’étaient point nomades, comme on l’avait cru longtemps, mais seulement beaucoup plus mobiles que celles d’Europe. Chacune avait son territoire bien délimité dont elle ne s’éloignait pas sans peine, et où elle était toujours obligée de revenir. Si on ne pouvait occuper les maisons des habitants, on pouvait donc s’emparer des récoltes, prendre les troupeaux et arrêter les personnes.

Dès lors, les véritables conditions de la guerre d’Afrique sont apparues.

Il ne s’agissait plus, comme en Europe, de rassembler de grandes armées destinées à opérer en masses contre des armées semblables, mais de couvrir le pays de petits corps légers qui pussent atteindre les populations à la course, ou qui, placés près de leur territoire, les forçassent d’y rester et d’y vivre en paix. Rendre les troupes aussi mobiles que possible et les tenir toujours à portée des populations suspectes, telles furent les deux conditions du problème.

Ou renonça d’abord à presque tout ce qui encombre la marche des soldats en Europe. Ou supprima presque entièrement le canon ; à la voiture on substitua le chameau ou le mulet. Des postes-magasins, placés de loin en loin, permirent de n’emporter avec soi que peu ou point de vivres. Nos officiers apprirent l’arabe, étudièrent le pays et y guidèrent les colonnes sans hésitation et sans détour. Comme la rapidité faisait bien plus que le nombre, on ne composa les colonnes elles-mêmes que de soldats choisis et déjà faits à la fatigue. On obtint ainsi une rapidité de mouvement presque increvable. Anjourd’hui nos troupes, aussi mobiles que l’Arabe armé, vont plus vite que la tribu en marche.

En même temps qu’on rendait les troupes si mobiles, on recherchait et l’on trouvait les lieux où il était le plus utile de les cantonner. La guerre nous faisait démêler quelles étaient les populations les plus énergiques, les mieux organisées, les plus ennemies. C’est à côté ou au milieu de celles-là, que nous nous établissions pour empêcher ou pour comprimer leurs révoltes.

Le Tell tout entier est maintenant couvert par nos postes, comme