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hommes venaient de concevoir un goût plus vif de leur indépendance ; mais auraient-ils le courage et l’intelligence nécessaires pour la régler et la défendre ? resteraient-ils assez honnêtes pour rester libres ?

M, de Cessac ne l’a pas su, nul ne le sait ; car Dieu n’a pas encore livré aux hommes la solution de ce redoutable problème.

Cependant on se hâte ; on veut dès à présent juger, soit en bien, soit en mal, cette grande époque dont on ne connaît point encore tous les produits. Une pareille œuvre est prématurée. C’est nous, messieurs, nous-mêmes qui ajouterons au dix-huitième siècle et à la révolution ce dernier trait sans lequel leur physionomie reste incertaine. Suivant ce que nous serons, il faudra se montrer plus ou moins favorable ou contraire à ceux dont nous sommes l’ouvrage. Ainsi nous tenons dans nos mains non-seulement notre propre honneur, mais encore celui de nos pères. Notre seule grandeur achèvera de les rendre grands aux yeux de l’histoire. Ils ont répondu de nous devant l’avenir ; et de nos vices ou de nos vertus dépend la place qu’ils doivent enfin garder dans l’esprit des hommes[1].

  1. Voir à la fin du volume, note A, la réponse de M. le comte Molé ; le discours de M. l’abbé Lacordaire, élu en remplacement de Tocqueville, et la réponse de M. Guizot.