rappelant tant d’espérances déçues, tant de projets restés vains, tant de vertus et de crimes inutiles, la faiblesse et l’imbécillité des plus grands hommes faisant tantôt plus, tantôt moins, toujours autrement qu’ils ne voulaient, il comprit enfin que la Providence nous tient tous dans sa main, quelle que soit notre taille, et que Napoléon, devant lequel sa volonté s’était pliée et comme anéantie, n’avait été lui-même qu’un grand instrument choisi par Dieu au milieu de tous les petits outils dont il se sert pour renverser ou rebâtir les sociétés humaines.
M. de Cessac avait une intelligence trop ferme et trop conséquente pour qu’une croyance pût s’arrêter en quelque sorte dans son esprit sans passer dans ses actes. Pour lui le difficile était de croire, non de montrer sa foi. Il devint donc un chrétien aussi fervent qu’il était sincère : il servit Dieu comme il avait servi l’empereur.
C’est dans ce repos plein de dignité et d’espérance que la mort l’atteignit enfin. Il était alors parvenu aux dernières limites que puisse atteindre la vie humaine : il touchait à sa quatre-vingt-onzième année.
Quoique la grande révolution qui agita ses contemporains eût commencé avant sa naissance, et qu’il eût vécu lui-même près d’un siècle, il était mort avant d’être en état de connaître ce que deviendraient les générations formées par elle. Il a pu voir que de nouveaux germes de liberté et de servitude venaient d’être semés dans ce monde. Mais lesquels devaient se développer, lesquels seraient étouffés avant que de produire ? Les