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tile que de l’envoyer à la maison centrale. Parmi les jeunes détenus, il y a des enfants qui ont été arrêtés sur la demande de leur père ; à chaque instant, la volonté du père peut faire cesser la détention. Il est évident que les enfants appartenant à cette catégorie ne sauraient être renfermés que sous les yeux de leur famille. La même considération peut s’appliquer aux jeunes condamnés dont les parents sont honnêtes. Dans ce cas, malheureusement assez rare, il y aurait de l’inconvénient à envoyer au loin ces jeunes délinquants.

L’article 21 du projet de loi relatif aux jeunes détenus a fait, naître une discussion assez longue dans le sein de la Commission. Aujourd’hui, l’administration ne peut mettre un jeune condamné en apprentissage, ou le réintégrer dans la prison, qu’avec le concours de l’autorité judiciaire.

L’article 21 l’affranchit de cette obligation ; est-ce à raison ou à tort ?

Plusieurs membres de la Commission pensaient qu’à l’autorité judiciaire seule devait, dans ce cas, comme dans tous les autres, appartenir le droit de veiller à ce que les peines portées à un arrêt fussent subies. Ils ajoutaient que, pour juger s’il convenait de mettre un jeune condamné dans la demi-liberté de l’apprentissage, il était nécessaire de savoir non-seulement quelle était sa conduite en prison, mais encore quels faits avaient amené sa condamnation, ce que le dossier judiciaire pouvait seul apprendre. Les autres membres, tout en reconnaissant qu’en général il fallait laisser à l’autorité judiciaire le droit de veiller à ce que les peines prononcées par les arrêts fussent subies, faisaient remarquer qu’il s’agissait ici d’un cas tout spécial. Le jeune détenu était moins un condamné aux yeux de la loi, qu’un enfant pauvre que l’Etat se chargeait de ramener au bien. L’emprisonnement était ici une affaire d’éducation plus que de punition et d’exemple. Tout le monde était d’accord de l’utilité réformatrice de la mise en apprentissage. N’était-il pas juste de remettre le droit d’y procéder au fonctionnaire qui seul était en état de savoir dans quelles dispositions se trouvait le jeune délinquant, quelle occasion se rencontrait de le ramener à l’honnêteté par la liberté jointe au travail, quelles personnes consentiraient à le recevoir en apprentissage, etc., etc. ? Toutes ces circonstances étaient ignorées des magistrats.