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d’emprisonnement devait être appliqué aux maisons centrales et aux maisons des travaux forcés, aussi bien qu’aux prisons départementales.

Mais la question s’est élevée de savoir s’il convenait de l’appliquer indistinctement, et de la même manière à tous les détenus. L’article 23 du projet de loi porte que le travail est obligatoire pour tous les condamnés, à moins qu’ils n’en aient été dispensés par l' arrêt de condamnation.

Cet article est-il applicable eaux individus condamnés à la détention ? La Chambre n’ignore pas qu’il existe dans le code pénal une peine spécialement destinée à réprimer la plupart des crimes contre la sûreté de l’État, c’est la détention. Dans l’emprisonnement connu sous le nom de détention, tel que le définit l’article 20 du code pénal, les détenus ne sont pas contraints au travail. Le projet de loi doit-il laisser subsister cet état de choses ?

Plusieurs membres ont pensé que les règles indiquées par l’article 23 du projet s’étendaient et devaient s’étendre aux condamnés à la détention comme à tous les autres ; qu’il était contraire à la raison et à l’intérêt social que la loi eût l’air de faire une classification à part des condamnés pour crimes contre la sûreté de l’État, et qu’elle exceptât du travail ceux qui en faisaient partie, tandis qu’elle y assujettirait tous les autres ; qu’en donnant au juge le droit de soustraire à l’obligation du travail, suivant les circonstances et exceptionnellement, ceux des condamnés pour lesquels il était naturel de faire une pareille exception, la loi avait suffisamment pourvu à toutes ces éventualités.

La majorité de votre Commission a été d’un avis contraire. Suivant un membre, il fallait s’applaudir de ce que la loi du 18 avril 1832, devenue en cette partie l’art. 20 du code pénal, avait soustrait au travail manuel la plupart des auteurs des crimes contre la sûreté de l’État. Elle n’avait fait ainsi que suivre l’exemple du plus grand nombre des législations pénales, qui, d’ordinaire, réservent à ces grands crimes des peines particulières et évitent avec soin de leur infliger un châtiment dégradant. Considérez les peines que les différents peuples ont destinées à réprimer les crimes contre la sûreté de l’État, et vous verrez que ces peines ont souvent été plus dures, quelquefois plus douces, mais presque toujours autres que celles appliquées aux auteurs des crimes ordinaires.