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Nous avons dit que le hut de la loi était de séparer les détenus entre eux, mais non de les plonger dans la solitude. Après s’être occupée de la prison elle-même, la Commission a donc dû examiner si les détenus y étaient mis, le plus souvent possible, en contact avec la société honnête.

Le projet de loi indique qu’à chaque prison serait attachés, indépendamment du directeur et du médecin, un instituteur.

Les comptes de la justice criminelle font connaître qu’en 1858 la proportion de ceux qui ne savent ni lire ni écrire était de 56 sur 100, et que presque tous sont plus ou moins dans l’ignorance des notions les plus élémentaires des connaissances humaines. D’une autre part, l’expérience a prouvé en Amérique et prouve encore tous les jours à la prison de la Roquette, que les détenus soumis à l’emprisonnement individuel s’adonnent très-volontiers à l’étude et y font aisément de grands progrès. « Les résultats de l’instruction élémentaire, dit M. le préfet de police dans son rapport du 22 février 1840, tels qu’ils se sont révélés depuis deux ans dans le quartier de la correction paternelle (le plus anciennement divisé en cellules), m’autorisent à dire qu’il est hors de doute que les progrès des élèves seront bien plus marqués dans la séquestration solitaire où l’étude devient une distraction, que dans l’école commune. »

Les rapports subséquents prouvent que cette prévision s’est réalisée.

Les hommes les plus grossiers, réduits à eux-mêmes, ne considèrent plus les efforts de l’esprit comme un travail, mais comme un délassement. Il est utile de leur procurer, avec ce soulagement de la solitude, l’instruction élémentaire dont ils manquent. A la prison sera attaché un aumônier. La Commission vous propose d’ajouter qu’on placera également dans la prison lui ministre appartenant à l’un des cultes non catholiques autorisés par la loi, si les besoins l’exigent. Si le nombre des détenus non catholiques n’était pas assez grand pour qu’un ministre de leur culte fût attaché à la prison, il est bien entendu, du moins, que le détenu non catholique ne sera jamais forcé de recevoir la visite de l’aumônier s’il s’y refuse, et qu’il lui sera loisible de se procurer les secours religieux au dehors.

Trente et une pétitions ont été adressées à la Chambre à l’occasion