sur l’esprit des détenus. C’est ce que montre avec une grande force l’un des inspecteurs-généraux dans son rapport.
« Les détenus qui se font le plus souvent punir, dit-il, sont des hommes jeunes et vigoureux, dans la force des passions. Si le régime du pain et de l’eau se prolonge pour eux pendant plusieurs jours, la faim devient un mal, non-seulement pour le corps, mais encore et surtout pour l’esprit. Alors le cerveau se vide, l’imagination s’exalte, et la prolongation de la peine ne fait qu’accroître l’exaspération, au lieu de la calmer. »
Peut-être faut-il attribuer à cette cause l’augmentation de mortalité qui a été observée dans les maisons centrales durant les années 1840, 1841 et 1842, c’est-à-dire depuis qu’on a cherché à y introduire la règle du silence. Cette augmentation est assez grande dans toutes les prisons, mais elle est surtout remarquable dans la prison où le silence a été le plus énergiquement et le plus complètement maintenu. Le silence existe pourtant dans les prisons des États Unis, qui sont les prisons du monde où la mortalité est la moindre. Ce ne peut donc pas être l’obligation du silence qui altère ainsi la santé de nos détenus ; ce sont évidemment les moyens dont on est obligé de se servir pour obtenir ce silence. À tout prendre, la discipline brutale et dégradante qui est en vigueur dans la plupart des prisons d’Amérique, est en même temps plus efficace et moins dangereuse pour la santé de ceux qui la subissent, que le régime actuel de nos maisons centrales. Cela est pénible à dire ; mais cela est vrai.
Il est difficile de croire d’ailleurs que cette multiplicité de punitions disciplinaires, qui est indispensable dans nos prisons pour faire respecter la règle du silence, ne soit pas, sous un certain rapport, contraire à la réforme même du criminel qu’on a principalement en vue. Il n’est pas indifférent de punir sans cesse un homme pour un fait qui en lui-même est indifférent.
Une pareille méthode doit souvent exaspérer, les criminels endurcis et abattre le courage de ceux qui veulent revenir au bien.
« Il arrive parfois que des détenus bons sujets, dit un de MM. les inspecteurs-généraux, ouvriers laborieux, s’imposant des privations pour secourir leurs familles, ont malheureusement la tête un peu légère, et ne peuvent résister à la tentation de laisser échapper quel-