quitte de la moitié de sa dette et acquiert, en conséquence, le droit de retirer aux colons le moitié du travail gratuit de leurs esclaves ; au lieu de cela, elle continue à leur en laisser la jouissance entière pendant dix ans. Or le prix du travail journalier d’un nègre peut-être évalué à 50 centimes. C’est donc 25 centimes dont la métropole gratifie chaque jour le maître, et cet avantage, en se continuant pendant dix ans, équivaut précisément aux 150 millions qu’on ne donne pas.
Comme on le voit, les frais de l’émancipation se répartissent d’une manière qui semble équitable entre tous ceux qui ont intérêt au succès de la mesure : la moitié de l’indemnité est fournie par la métropole, l’autre par le travail des noirs, et l’élévation de la main d’œuvre est supportée par les colons.
En résumé, liberté simultanée accordée aux esclaves au bout de ces dix ans ;
D’ici là, un ensemble de mesures qui aient pour but de moraliser et de civiliser les nègres et de liquider la propriété des blancs ; Après ce terme, une législation spéciale dont l’objet soit d’aider la société coloniale à se rasseoir ;
Avec la liberté donnée aux esclaves, une indemnité suffisante accordée aux maîtres.
Tel est, dans ses traits principaux, le plan d’émancipation que la majorité de la commission propose. Il était difficile, ce semble, d’atteindre im plus grand but à moins de frais, et de mieux accorder ce que l’humanité et l’intérêt de la France exigent avec ce que la prudence commande.
Ce plan, si laborieusement préparé par la commission, exposé avec tant de talent par M. le duc de Broglie, sera-t-il adopté sincèrement par le gouvernement et sérieusement présenté par lui à l’adoption des chambres ? Cela est fort douteux.
M. Guizot a l’esprit trop élevé pour être insensible à la beauté et à la grandeur de l’œuvre qu’on propose. Nous lui rendons cette justice de croire qu’il l’accomplirait s’il était libre de le faire. On peut croire que plusieurs de MM. les ministres veulent aussi l’émancipation, mais tous ceux qui voient de près les affaires savent bien que le gouvernement n’en veut pas. Nous ne sommes pas dans le temps des entreprises généreuses, pas même dans celui des entreprises utiles, quand en même temps elles sont difficiles et grandes.