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blanc, n’est plus qu’un ouvrier temporairement obligé à travailler pour le compte de celui-ci.

D’un autre côté, lorsque les dernières traces de la servitude sont enfin effacées et que le nègre est élevé au rang d’homme libre ; quand il a déjà goûté l’indépendance complète, et qu’il croit n’avoir plus rien à attendre du magistrat et peu à en craindre, le pouvoir social n’a presque plus de prise sur sa volonté, sur ses opinions et sur ses mœurs.

Mais durant le temps où la liberté déjà promise n’est pas encore entièrement donnée ; où les habitudes de respect et d’obéissance qu’avait fait naître l’esclavage sont encore entretenues par le travail forcé, mais où cependant l’àme de l’esclave se relève déjà à rapproche de l’indépendance ; dans ce temps intermédiaire, l’action du pouvoir est facile et efficace. Le colon n’écarte plus la main du gouvernement, et le nègre s’y livre de lui-même sans regret et sans peine. Il ne voit pas encore dans le magistrat un maître, mais un guide et un libérateur. C’est le moment où il est le plus aisé au gouvernement de fonder son empire sur l’esprit et les habitudes de la population noire, et d’acquérir l’influence salutaire dont il aura bientôt besoin de se servir pour la diriger dans la liberté complète.

Votre commission, messieurs, a donc été unanimement d’avis qu’il était nécessaire de placer un état intermédiaire et transitoire entre l’esclavage et la liberté, et cle s’est appliquée à rechercher quel il devait être.

Il semble qu’en établissant l’apprentissage, les Anglais n’aient eu en vue que le maintien du travail : intérêt immense, sans doute, mais non pas unique. Le bill d’émancipation n’a pris aucune mesure générale et efficace pour favoriser l’éducation des jeunes apprentis et la moralisation des adultes. Il n’a rien établi pour faire naître l’émulation entre eux, ni pour les amener graduellement en les faisant passer par des états successifs jusqu’à l’usage de l’indépendance complète.

L’apprentissage devait durer jusqu’à la fin, tel qu’il avait été établi le premier jour. Au bout de six ans, comme durant la première année, l’apprenti ne pouvait avoir le libre emploi de son travail et la jouissance d’un salaire que pendant un seul jour de la semaine au plus.

Dans le système d’apprentissage des Anglais, la priorité du colon