Lorsque les colons furent chargés de mettre eux-mêmes à exécution une mesure indiquée par le bill, il arriva souvent qu’ils le firent avec une rigueur très-contraire à l’esprit de cette loi et très-préjudiciable à l’intérêt bien entendu des colonies elles-mêmes.
C'étaient les magistrats salariés qui condamnaient les affranchis à la prison, mais c’étaient les autorités coloniales qui avaient seules le droit de gouverner les détenus. Il parait qu’on exerçait souvent sur les noirs que renfermaient les prisons les traitements les plus cruels et les plus opposés à l’esprit du bill d’émancipation.
Le Parlement avait établi que les affranchis pourraient se libérer de leurs obligations moyennant un prix ; mais il avait abandonné aux pouvoirs coloniaux le droit de déterminer les formes de l’arbitrage et de désigner les arbitres. Ces arbitres fixaient presque toujours un prix si élevé à la liberté, qui’il était impossible d’y atteindre. Les exemples de ceci se trouvent répandus en grand nombre dans tous les documents législatifs présentés à la commission.
Le bill avait fixé le temps du travail forcé à quarante-cinq heures par semaine, et le minimum du travail de chaque jour à neuf heures. Le désir du législateur était que les noirs travaillassent en effet neuf heures pendant les cinq premiers jours de la semaine, ce qui leur laissait entièrement libre l’usage du septième. Dans plusieurs colonies, les blancs, malgré les prières des nègres et les conseils des gouverneurs, s’obstinèrent à ne faire travailler leurs apprentis que sept heures par jour, ce qui enlevait à ceux-ci tous les bénéfices que le travail libre du samedi pouvait leur promettre.
Dans la plupart des colonies, mais particulièrement à la Jamaïque, la discorde et la défiance ne tardèrent donc pas à s’introduire entre les anciens maîtres et les nouveaux affranchis ; une lutte cachée, mais continuelle, s’établit entre eux. Dans presque toutes les colonies un double effet se fit voir : les noirs montrèrent bientôt une grande confiance dans les autorités métropolitaines et dans les magistrats salariés. Ces mêmes magistrats furent souvent, au contraire, en butte au mépris et à l’animadversion des colons. Plu-
noirs ne gagnassent pas au change ; partout quelques autres actes imprudents de la même nature avaient été commis, et avaient eu pour résultat d’enlever aux blancs la confiance de leurs apprentis et de créer le mécontentement et la colère, etc. ». Voyez Documents parlementaires publiés en 1836, p.99.