il amènera des changements d’habitude et de méthode toujours pénibles et souvent onéreux. Il est possible, il est probable même que, pendant un certain temps, jusqu’à ce que le nègre ait été amené par une législation nouvelle à des mœurs laborieuses, l’exploitation des terres dans les colonies sera moins productive et plus chère par le travail libre qu’elle ne l’est parle travail forcé ; en d’autres termes, que les salaires s’élèveront plus haut chaque année que ne s’élèvent aujourd’hui l’achat et l’entretien des esclaves. Laisser courir aux colons seuls ces chances, serait une iniquité flagrante. Il est indigne de la grandeur et de la générosité de la France de faire triompher enlin les principes de la justice, de l’humanité et de la raison, qui ont été si longtemps méconnus par elle et par ses enfants d’outremer, aux dépens de ces derniers seulement ; de prendre pour elle seule l’honneur d’une réparation si tardive, et de n’en laisser aux colons que la charge. Une grande injustice a été commise par les uns et par les autres : il faut que les uns et les autres contribuent à la réparer.
La Commission a pensé, d’ailleurs, que, quand cette manière d’agir ne serait pas indiquée par l’équité, l’intérêt seul en ferait une loi.
Pour arriver sans trouble au résultat heureux que l’émancipation doit produire, il est nécessaire d’obtenir et de conserver l’actif concours des colons. On n’y réussirait point en les abandonnant à eux-mêmes et en ne les aidant point à traverser la crise qu’on aurait fait naître.
Il y a une vérité qu’on ne saurait méconnaître : l’émancipation sera d’autant plus facile, la transition d’un état à l’autre d’autant plus paisible et plus courte, que les propriétaires du sol seront plus riches. Tout devient difficile si l’émancipation s’opère au milieu de leur gêne ; tout devient périlleux si elle commence au milieu de leur ruine. Il n va qu’une société coloniale prospère qui puisse aisément supporter le passage de la servitude à la liberté.
Or, il paraît certain que dans nos colonies, surtout dans les colonies des Antilles, la situation pécuniaire des propriétaires est depuis longtemps fort gênée.
Des renseignements que la Commission a lieu de croire dignes de foi portent les seules dettes hypothécaires contractées et non acquittées depuis dix ans, à la Guadeloupe et à la Martinique, à