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moins sujet qu’un autre aux brusques vicissitudes de la fortune. Tout annonce que pendant longtemps encore l’Angleterre jouira paisiblement de ces avantages, et que la guerre même ne pourra y mettre obstacle.

L’Angleterre était donc de toutes les nations du monde celle qui pouvait fonder une colonie pénale le plus facilement et aux moindres frais.

L’enfance de la colonie de Botany-Bay a cependant été fort pénible, et nous avons vu quelles sommes immenses les Anglais avaient dû dépenser pour la fonder.

Ces résultats s’expliquent d’eux-mêmes : une nation, quels que soient ses avantages, ne peut à bon marché créer un établissement pénal à trois ou quatre mille lieues du centre de sa puissance, alors qu’il faut tout apporter avec soi, et qu’on n’a rien à attendre des efforts ni de l’industrie des colons.

En imitant nos voisins, nous ne pouvons espérer trouver aucune des facilités qu’ils ont rencontrées dans leur entreprise.

La marine royale de France ne peut, sans augmenter considérablement son budget, envoyer chaque année des vaisseaux dans des contrées aussi lointaines, et le commerce français, de son côté, présente peu de ressources pour des expéditions de ce genre.

Une fois partis de nos ports, il nous faudra parcourir la moitié de la circonférence du globe sans rencontrer un seul lieu de relâche où nos marins soient sûrs de trouver un appui et des secours efficaces.

Ces difficultés s’exposent en peu de mots, mais elles sont très-grandes, et plus on examine le sujet, plus on s’en convainc.

Si nous parvenions à surmonter de semblables obstacles, ce ne serait qu’à force de sacrifices et d’argent.

Nous ne saurions penser que, dans l’état actuel des finances, on puisse vouloir augmenter à ce point les charges du