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veulent-ils qu’on fasse une guerre maritime à l’Angleterre pour fonder la colonie pénale ?

Un auteur qui a écrit avec talent sur le système pénitentiaire, M. Charles Lucas, indique, il est vrai, aux méditations du gouvernement deux petits îlots des Antilles et la colonie de Cayenne, qui pourraient servir, dit-il, de lieux de détention à certains condamnés. Il y renfermerait les assassins en état de récidive, ainsi que ceux qui ont porté atteinte à la liberté de la presse et à celle des cultes. Mais la déportation, restreinte à ces deux espèces de criminels, n’est pas d’une utilité généralement sentie, et l’on peut douter d’ailleurs que le lieu qu’on indique soit bien choisi. L’auteur dont nous parlons, qui conteste à la société le droit d’ôter la vie, même au parricide, ne voudrait pas sans doute laisser à l’insalubrité du climat la charge de faire ce que la justice ne peut ordonner.

Personne, jusqu’à présent, à notre connaissance, ne s’est sérieusement occupé de résoudre la question que nous avons posée plus haut ; et cependant ne faudrait-il pas, avant tout, se fixer sur ce premier point ?

Nous devons, au reste, nous hâter de le dire, nous n’avons pas la prétention de croire qu’il soit impossible de trouver un lieu propre à y fonder une colonie pénale, parce que nos recherches ne nous l’ont pas fait apercevoir.

Mais ce lieu, fut-il découvert, restent encore les difficultés d’exécution : elles ont été grandes pour l’Angleterre ; elles paraissent insurmontables pour la France.

La première de toutes, il faut l’avouer, se rencontre dans le caractère de la nation, qui, jusqu’à présent, s’est montré peu favorable aux entreprises d’outre-mer.

La France, par sa position géographique, son étendue et sa fertilité, a toujours été appelée au premier rang des pouvoirs du continent. C’est la terre qui est le théâtre naturel de sa puissance et de sa gloire ; le commerce maritime n’est qu’un appendice de son existence. La mer n’a jamais excité