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CHAPITRE III


DIFFICULTÉS SPÉCIALES À NOTRE TEMPS ET À LA FRANCE


Où la France peut-elle espérer trouver un lieu propre à fonder une colonie pénale ? — Le génie de la nation n’est pas favorable aux entreprises d’outremer. — Facilités qu’a rencontrées l’Angleterre dans la fondation de Botany-Bay, et qui manquent à la France. — Dépenses qu’entraînerait la création d’une semblable colonie. — Chances d’une guerre maritime.


Nous venons de faire connaître dans ce qui précède les raisons qui nous portaient à croire que le système de la déportation n’était utile ni comme moyen répressif, ni comme méthode de coloniser. Les difficultés que nous avons exposées nous semblent devoir se représenter dans tous les temps et chez toutes les nations ; mais, à certaines époques et pour certains peuples, elles deviennent insurmontables.

Premièrement, où la France ira-t-elle aujourd’hui chercher le lieu qui doit contenir sa colonie pénale ? Commencer par savoir si ce lieu existe, c’est assurément suivre l’ordre naturel des idées, et à cette occasion nous ne pouvons nous défendre de faire une remarque.

Parlez à un partisan du système des colonies pénales, vous entendrez d’abord un résumé des avantages de la déportation. On développera des considérations générales et souvent ingénieuses sur le bien qu’en pourrait retirer la France ; on émettra des vœux pour son adoption, on ajoutera enfin quelques détails sur la colonisation de l’Australie. Du reste, on s’occupera peu des moyens d’exécution ; et quant au choix à faire pour la colonie française, l’entretien finira sans qu’il en ait été dit un seul mot. Que si vous hasardez une question sur ce point, on se hâtera de passer à un autre objet, ou bien l’on se bornera à vous répondre que le monde est bien grand, et que quelque part doit se trouver le coin de terre dont nous avons besoin.