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d’anciens condamnés ne peut manquer de se réunir contre un accusé appartenant à la classe des colons libres ; de même que des jurés pris parmi les colons libres croient toujours manifester la pureté de leur classe en condamnant l’ancien détenu contre lequel une seconde accusation sera dirigée. »

En 1820, le huitième seulement des enfants recevait quelque instruction en Australie. Le gouvernement de la colonie ouvrait cependant, à ses frais, des écoles publiques ; il savait, comme le dit M. Bigge dans son rapport, que l’éducation seule pouvait combattre l’iniluence funeste qu’exerçaient les vices de ses parents.

Ce qui manque, en effet, essentiellement à la société australienne, ce sont les mœurs. Et comment pourrait-il en être autrement ? À peine dans une société composée d’éléments purs, la force de l’exemple et l’influence de l’opinion publique parviennent-elles à contenir les passions humaines : sur 36,000 habitants que comptait l’Australie en 1828, 23,000 ou près des deux tiers appartenaient à la classe des condamnés. L’Australie se trouvait donc encore dans cette position unique, que le vice y obtenait l’appui du plus grand nombre. Aussi les femmes y avaient-elles perdu ces traditions de pudeur et de vertu, qui caractérisent leur sexe dans la métropole et dans la plupart de ses colonies libres ; quoique le gouvernement encourageât le mariage de tout son pouvoir, souvent même aux dépens de la discipline, les bâtards formaient encore le quart des enfants.

Il y a d’ailleurs une cause, en quelque sorte matérielle, qui s’oppose à l’établissement des bonnes mœurs dans les colonies pénales, et qui, au contraire, y facilite les désordres et la prostitution.

Dans tous les pays du monde les femmes commettent infiniment moins de crimes que les hommes. En France, les femmes ne forment que le cinquième des condamnés ; en Amérique, le dixième. Une colonie fondée à l’aide de la dé-