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de mener une vie régulière en Angleterre, enfreindre les lois qu’il eût respectées, parce que la peine dont on le menace n’a rien qui l’effraye, et souvent flatte son imagination plutôt qu’elle ne l’arrête.

Un grand nombre de condamnés, dit M. Bigge dans son rapport à lord Bathurst, sont retenus bien plus par la facilité qu’on trouve en Australie à subsister, par les chances de gain qu’on y rencontre et l’aisance des mœurs qui y règne, que par la vigilance de la police. Singulière peine, il faut l’avouer, que celle à laquelle le condamné craint de se soustraire.

À vrai dire, pour beaucoup d’Anglais, la déportation n’est guère autre chose qu’une émigration aux terres australes, entreprise aux frais de l’État.

Cette considération ne pouvait manquer de frapper l’esprit d’un peuple renommé à juste titre pour son intelligence dans l’art de gouverner la société.

Aussi, dès 1819 (6 janvier), on trouve dans une lettre officielle écrite par lord Bathurst cette énonciation : « La terreur qu’inspirait d’abord la déportation diminue d’une manière graduelle, et les crimes s’accroissent dans la même proportion. » (They have increased beyond all calculation.) Le nombre des condamnés à la déportation, qui était de 662 en 1812, s’était en effet élevé successivement jusqu’en 1810, époque de la lettre de lord Bathurst, au chiffre de 3,130 ; pendant les années 1828 et 1829 il avait atteint 4,500[1].

  1. En 1852, le gouvernement britannique nomma une commission à l’effet d’examiner quels étaient les meilleurs moyens de rendre efficace l’application des peines autres que la peine de mort. La commission fit son rapport le 22 juin 1802. C’est dans ce précieux document que nous puisons les extraits qui suivent : nous devons dire cependant que la commission ne fut pas unanime et que ses conclusions n’expriment que les opinions de la majorité. C’est du moins ce que nous a assuré un membre très-distingué du Parlement britannique qui en faisait partie.
    « D’après des témoignages reçus par elle, la commission est fondée à