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DISCOURS DE RÉCEPTION

sant voir, à leurs paroles et à leur contenance, cette confiance présomptueuse en ses forces et ce fier oubli de soi-même qui sont les attributs de la jeunesse.

Cela, du reste, n’a point été particulier à la France. La France en a donné le plus grand, mais non l’unique exemple ; il n’y a point de société si vieille, qui, à l’approche d’une grande transformation sociale, n’ait eu de ces retours de jeunesse. Cette orgueilleuse croyance, que le vrai absolu vient enfin d’être trouvé, ces belles illusions sur la nature humaine, cette confiance presque illimitée en soi, ce généreux élan vers l’idéal, ces immenses et chimériques espérances ont précédé et produit toutes les révolutions qui ont changé la face de la terre. Car, quoi qu’on en dise, ce n’est point à l’aide de médiocres sentiments et de vulgaires pensées que se sont jamais accomplies les grandes choses.

Et, à cette première époque, il en a toujours succédé une autre durant laquelle, par un violent retour, les hommes, après s’être élevés fort au-dessus de leur niveau naturel, rentraient petitement en eux-mêmes, et paraissaient honteux tout à la fois du mal et du bien qu’ils avaient fait, où un découragement efféminé succédait à une présomption presque puérile, où les dévouements imprudents étaient remplacés par un égoïsme plus imprudent encore, et où les contemporains se montraient souvent plus sévères pour leurs œuvres que ne le sera la postérité.

Ce serait commettre une manifeste injustice de ne juger une grande révolution que par ce que disent d’elle