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sité se fait se fait bien plus sentir pour des détenus que pour des oolons libres.

Le condamné est un homme déjà énervé par les vices qui ont fini par l’amener au crime ; il a été soumis, avant d’arriver au lieu de sa destination, à des privations et à des fatigues qui presque toujours ont altéré plus ou moins sa santé ; enfin, sur le lieu méme de son exil, on trouve rarement en lui cette énergie morale, cette activité physique et intellectuelle, qui, même sous un climat insalubre, soutient la santé du colon libre et lui permet souvent de braver avec impunité les dangers qui l’environnent.

Il y a beaucoup d’hommes d’État et il se trouverait peut-être même quelques philanthropes que cette difficulté n’arrêterait guère et qui nous répondraient au fond de leur âme : Qu’importe, après tout, que ces hommes coupables aillent mourir loin de nos yeux ; la société, qui les rejette, ne demandera pas compte de leur sort. Cette réponse ne nous satisfait point. Nous ne sommes pas les adversaires systématiques de la peine de mort, mais nous pensons qu’on doit l’infliger loyalement, et nous ne croyons pas que la vie des hommes puisse être ainsi enlevée par détour et supercherie.

Pour une colonie ordinaire, c’est assurément un avantage d’être située près de la mère-patrie, ceci se comprend sans commentaires.

La première condition d’une colonie pénale est d’être séparée par une immense étendue de la métropole. Il est nécessaire que le détenu se sente jeté dans un autre monde, qu’il soit obligé de se créer tout un nouvel avenir dans le lieu qu’il habite, et que l’espérance du retour apparaisse à ses yeux comme une chimère. Et combien encore cette chimère ne viendra-t-elle pas troubler l’imagination de l’exilé ? Le déporté de Botany-Bay, séparé de l’Angleterre par tout le diamètre du globe, cherche encore à se frayer un chemin vers son pays à travers des périls insurmontables[1]. En vain sa nou-

  1. Pendant les premières années de la colonie, il s’était répandu parmi