grand ouvrage, il semble que ces calculs déviaient rester au-dessous plutôt que d’aller au delà de la vérité ; cependant les marins refusent généralement de les admettre, et ils ne pensent pas, qu’à moins d’utiliser l’avant-port et les bassins, on pût tenir en sûreté à Cherbourg ce nombre de soixante-cinq vaisseaux de premier rang.
On s’était fait, à l’origine des travaux, deux illusions sur le fond de la rade de Cherbourg : Vauban avait cru que ce fond était de sable, ce qui eût offert toute espèce de facilités et de sûreté pour l’ancrage. La même erreur avait toujours été commise depuis. Il y a seulement quelques années que M. Beautemps-Beaupré, ayant substitué la lance à la soude ordinaire, découvrit que sous cette couche de sable assez mince se trouvait le rocher. On s’assura alors que les trois quarts de la partie orientale de la rade étaient remplis, non par un banc de sable, mais par un plateau de roches. Le sable n’existe réellement que le long et à l’ouest de la digue, et l’espace qu’il couvre ne peut contenir qu’un très-petit nombre de vaisseaux. Le fond de roche présente, comme on sait, cet inconvénient et ce danger, que les câbles s’y usent et s’y coupent en très-peu de temps. Mais grâce aux chaînes de fer dont se servent aujourd’hui tous les vaisseaux de guerre, le danger qu’on vient de signaler est presque nul. Ici donc l’erreur commise a peu de conséquence, et l’on doit même se féliciter qu’on y soit tombé ; car, si, il y a soixante ans, on avait su que la plus grande partie de la rade Cherbourg avait un fond de roche, il est très-douteux qu’on eût entrepris les travaux. On ne connaissait pas encore à cette époque les chaînes, et avec les seuls câbles la flotte n’eût pas été en sûreté. La seconde illusion qu’on s’était faite était relative à l’ensablement. On avait avancé, dans l’origine, que les mêmes causes qui allaient produire le calme dans la rade en amèneraient très-rapidement l’ensablement. La mer, tant qu’elle est agitée, tient suspendu dans ses eaux du sable qui se dépose au fond de l’eau dès