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ront les ouvrages exécutés par la marine, la guerre et les ponts et chanssées à Cherbourg, quand tous les projets seront réalisés, s’élèvera de deux cents à deux cent quinze millions de francs, sans compter l’armement de l’enceinte et des forts. Telle sera la dépense ; quel sera le résultat obtenu ? Nous n’entrerons pas dans le détail immense des différents établissements dont l’ensemble du port militaire est formé. Nous nous bornerons à dire que l’arsenal de Cherbourg terminé fournira pour la création et le ravitaillement d’une flotte, les mêmes ressources que Brest. Il est difficile de prévoir avec exactitude les services que doit rendre la rade ; les appréciations les plus contradictoires ont été faites de la capacité de la rade de Cherbourg. On voit par les instructions que Louis XVI donna au duc d’Harcourt, le ’20 septembre 1784, que les travaux étaient entrepris dans la prévision de pouvoir placer quatre-vingts vaisseaux de ligne dans la rade qu’on allait créer. On ne tarda pas à s’apercevoir que cette appréciation était erronée. Mais, quoique la question ait été discutée bien des fois depuis, on n’est point encore arrivé à s’entendre sur le chiffre réel qu’il convenait d’admettre. L’incertitude sur un point si capital et qui semble si facile à éclaircir, parait, au premier abord, assez extraordinaire. Elle vient de ce que les marins ne sont pas tous d’accord entre eux, quant à l’espace qu’il convient de laisser entre chaque vaisseau ; de plus, la manière dont on apprécie l’état de la mer dans une rade influe beaucoup sur le jugement qu’on porte de la capacité de celle-ci. La même profondeur qui suffit, quand la mer est calme, devient insuffisante quand l'eau est agitée. De même, plus la mer est calme, moins on peut mettre d’espace entre les vaisseaux sans craindre qu’ils ne se heurtent. Enfin de la nature du fond dépend l’étendue du mouillage. La question, qui paraît très-simple, est donc fort complexe. Nous n’entreprendrons pas de la résoudre, mais nous ferons connaître les diverses solutions qui ont été données.