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rendre un compte exact de tous les phénomènes qu’y produit la mer : telle était l’opération préliminaire que le plus simple bon sens indiquait. Rien, en effet, ne doit être entrepris après plus de réflexion et d’examen que les travaux de la mer, d’abord à cause des difficultés que présentent toujours de telles entreprises, et aussi par cette raison que presque toutes les fautes commises dans ces sortes d’ouvrages sont irrémédiables. Ce n’est cependant (chose presque incroyable) que cinq ans après s’être mis à l’œuvre qu’on se livra à cet examen si nécessaire avec tout le soin qu’on devait y apporter. Les premiers travaux eurent lieu sur le vu d’une carte manuscrite, dressée, en 1775, par un lieutenant de vaisseau nommé M. Debavre, et qui fourmille d’erreurs : en la comparant aux excellentes cartes qui ont été faites depuis, il est facile de vérifier que la plupart des profondeurs d’eau qui y sont indiquées excèdent du cinquième et quelquefois du quart les profondeurs réelles qu’on a pu constater ; les bancs sous-marins n’y sont pas marqués, et il n’y est pas même fait mention de la roche Chavagnac qui se trouve au milieu de la passe de l’ouest.

Cette première faute fut fort aggravée par une autre que voici : au lieu de confier l’étude et l’exécution des travaux à un seul pouvoir, on en chargea simultanément deux ministères, celui de la guerre et celui de la marine. Chacune de ces deux administrations se mit à l’œuvre de son côté sans s’inquiéter de ce que faisait l’autre. Tandis que M. de la Bretonnière était chargé par le ministre de la marine de traiter la question dans l’intérêt naval, M. Decaux, directeur des fortifications de la Normandie, l’envisageait au point de vue purement militaire. M. Decaux était un très-habile officier du génie, mais on peut dire, sans offenser sa mémoire, qu’il n’apercevait que très confusément le côté nautique de son entreprise. Voici le plan de cet officier : il découvrit d’abord sur la terre ferme, à l’ouest de la ville, un rocher qui s’avançait dans la mer et qu’on appelait le Hommet ; à l’est, il vit