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vant l’histoire des Girondins, l’a cru sur parole. « Là, dit-il (à Cherbourg), le génie actif de Dumouriez s’exerce contre les éléments comme il s’était exercé contre les hommes. Il conçoit le plan de ce port militaire qui devait emprisonner une mer orageuse dans un bassin de granit, et donner à la marine française une halte dans la Manche. » La vérité est que Dumouriez, alors simple colonel, n’eut qu’une très-petite part, s’il en eut même une quelconque, dans le choix que le Gouvernement fit de Cherbourg. La question était essentiellement maritime ; sa solution ne dépendait pas du ministre de la guerre, mais du ministre de la marine, avec lequel Dumouriez ne correspondait pas. Quant aux travaux, ce qu’il en dit lui-même dans ses Mémoires prouve évidemment qu’il était bien loin de se former une idée juste de ce qu’il y avait à faire. L’homme qui exerça réellement une influence très-grande, non-seulement sur le choix du lieu, mais sur toute l’entreprise, ce fut un capitaine de vaisseau, M. de la Bretonnière. M. de la Bretonnière avait été chargé, par le ministre de la marine, d’étudier les côtes de la Manche et de faire un rapport sur le meilleur emplacement à choisir pour y créer un établissement militaire. Dans ce rapport, M. de la Bretonnière met en relief l’immense supériorité de Cherbourg, au point de vue militaire, Cherbourg, dit-il, présente cet heureux phénomène d’un port placé à l’extrémité d’un grand promontoire. De là on découvre toutes les avenues de la Manche. On petit surveiller en tout temps ce qui s’y passe et, à un jour donné, les occuper en maître. Presque tous les vents y font entrer, aucun n’empêche d’en sortir. Une fois hors de son havre, on vogue en pleine mer et l’on peut prendre à volonté toutes les directions. La Hougue, au contraire, enfoncée dans les terres, est d’un abord dangereux et d’une entrée difficile. On ne peut s’en approcher ou s’en éloigner que par certains vents. On y trouve autant une prison qu’un abri. M. de la Bretonnière eut été bien plus explicite encore s’il