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moindres détails, on n'y découvrira pas un atome d'aristocratie. Rien qui ressemble à une classe, pas un privilége, partout les mêmes droits, tous les pouvoirs sortant du peuple et y retournant, un seul esprit animant toutes les institutions, nulles tendances qui se combattent : le principe de la démocratie a tout pénétré et domine tout. Et pourtant ces gouvernements si complétement démocratiques ont une assiette bien autrement stable, une allure bien plus paisible et des mouvements bien plus réguliers que les gouvernements démocratiques de la Suisse.

Il est permis de dire que cela vient en partie de la différence des lois.

Les lois de l'état de New-York, que je viens de décrire, sont disposées de manière à lutter contre les défauts naturels de la démocratie, les institutions suisses dont j'ai tracé le tableau semblent faites au contraire pour les développer. Ici elles retiennent le peuple, là elles le poussent. En Amérique, on a craint que son pouvoir ne fût tyrannique, tandis qu'en Suisse on semble n'avoir voulu que le rendre irrésistible.

Je ne m'exagère pas l'influence que peut exercer le mécanisme des lois sur la destinée des peuples. Je sais que ce sont à des causes plus générales et plus profondes qu'il faut principalement attribuer les grands événements de ce monde ; mais on ne saurait nier que les institutions n'aient une certaine vertu qui leur soit propre, et que par elles-mêmes elles ne contribuent à la prospérité ou aux misères des sociétés.