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s'entendre avec une autre assemblée, mais ses volontés ne rencontrent même pas l'obstacle d'une délibération prolongée. Les discussions des lois générales sont soumises à de certaines formalités qui les prolongent, mais les résolutions les plus importantes peuvent être proposées, discutées et admises en un moment, sous le nom de décrets. Les décrets font des lois secondaires quelque chose d'aussi important, d'aussi rapide et d'aussi irrésistible que les passions d'une multitude.

En dehors de la législature, il n'y a rien qui résiste. La séparation et surtout l'indépendance relative du pouvoir législatif, administratif et judiciaire en réalité n'existent pas.

Dans aucun canton, les représentants du pouvoir exécutif ne sont élus directement par le peuple. C'est la législature qui les choisit. Le pouvoir exécutif n'est donc doué d'aucune force qui lui soit propre. Il n'est que la création et ne peut jamais être que l'agent servile d'un autre pouvoir. À cette cause de faiblesse s'en joignent plusieurs autres. Nulle part le pouvoir exécutif n'est exercé par un seul homme. On le confie à une petite assemblée, où sa responsabilité se divise et son action s'exerce. Plusieurs des droits inhérents à la puissance exécutive lui sont d'ailleurs refusés. Il n'exerce point de véto ou n'en exerce qu'un insignifiant sur les lois. Il est privé du droit de faire grâce, il ne nomme ni ne destitue ses agents. On peut même dire qu'il n'a pas d'agents, puisqu'il est d'ordinaire obligé de se servir des seuls magistrats communs.