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mais elle ne mit rien de solide et de stable à la place. Napoléon qui, quelques années après, tira les Suisses de l'anarchie par l'acte de médiation, leur donna bien l'égalité, mais non la liberté, les lois politiques qu'il imposa étaient combinées de manière à ce que la vie publique était paralysée. Le pouvoir, exercé au nom du peuple, mais placé très-loin de lui, était remis tout entier dans les mains de la puissance exécutive.

Quand, peu d'années après, l'acte de médiation tomba avec son auteur, les Suisses n'y gagnèrent point la liberté ; ils y perdirent seulement l'égalité. Partout les anciennes aristocraties reprirent les rênes du gouvernement, et remirent en vigueur les principes exclusifs et surannés qui avaient régné avant la révolution. Les choses revinrent alors, dit avec raison M. Cherbuliez, à peu près au point où elles étaient en 1798. On a accusé à tort les rois coalisés d'avoir imposé, par la force, cette restauration à la Suisse. Elle fut faite d'accord avec eux, mais non par eux. La vérité est que les Suisses furent entraînés alors, comme les autres peuples du continent, par cette réaction passagère, mais universelle, qui raviva tout à coup dans toute l'Europe la vieille société ; et, comme chez eux la restauration ne fut pas consommée par des princes dont, après tout, l'intérêt était distinct de celui des anciens privilégiés, mais par les anciens privilégiés eux-mêmes..., elle y fut plus complète, plus aveugle et plus obstinée que dans le reste de l'Europe. Elle ne s'y montra pas tyrannique, mais très-exclusive. Un pouvoir législatif entièrement subordonné à la puissance exécutive ;