Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 8.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
480
NOTES DE VOYAGES.

Ce qu’il y a de remarquable, c’est que tous les Arabes qui écrivent se servent, dans ce cas, de l’arabe écrit, qui est celui du Coran. Un marchand fait ses mémoires dans la langue de Mahomet, et parle dans le jargon moderne, qui n’a point de grammaire et qui ne peut, par conséquent, s’appeler à juste titre une langue. Mais les deux langues existent concurremment et servent aux mêmes personnes.

D. Quelle est la meilleure traduction du Coran ?

R. Celle de ***, en latin ; celle de Savary est élégante et infidèle. Du reste, il n’en existe point de bonne traduction, parce qu’il faudrait traduire en même temps et en regard les cinq à six principaux commentaires qui aident à entendre le texte. Le Coran est, à vrai dire, un recueil d’ordres du jour et de proclamations auxquels on ne comprend rien si les petits faits qui les ont motivés ne sont pas expliqués. (Le Coran est la source des lois, des idées, des mœurs de toute cette population musulmane à laquelle nous avons affaire. La première œuvre scientifique du gouvernement devrait être évidemment de le faire traduire le mieux possible, texte et commentaire).

D. Combien pensez-vous qu’une intelligence ordinaire, avec un travail assidu, mit de temps à apprendre l’arabe écrit ?

R. Au moins quatre à cinq ans. Quant à l’arabe vulgaire, on sait se tirer d’affaire en peu de mois, si on veut aller dans les cafés et fréquenter les Maures…

Alger, 25 mai 1841.

Quand on dit aux Arabes qu’ils ont commencé la guerre (en violation du traité de la Tafna), ils s’en dé-