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1789.

Impuissance d’un homme ou même des hommes en particulier au début de la révolution et tant que dure son impulsion propre !

C’est un des grands caractères de la révolution… grand et terrible spectacle…

Immédiatement après le 14 juillet 1789, l’assemblée était déjà le gouvernement. Après le 14 juillet, elle entre de plein pied dans la place du pouvoir exécutif ; elle reçoit des députations, des adresses ; elle demande le renvoi des ministres, la nomination de M. Necker ; c’est à elle que le maréchal de Broglie annonce que l’armée se retire, et tous les grands corps de l’État viennent en personne lui rendre hommage ; la cour des monnaies, la cour des aides, celle des comptes, le grand conseil, le parlement enfin. Les habitudes de la monarchie favorisaient les usurpations de l’assemblée ; tout ce qu’elle faisait n’était pas des nouveautés ; on en trouverait la racine dans des habitudes anciennes qui y avaient préparé les esprits… Il était d’usage dans les assemblées des corps judiciaires de parler en public, de donner des audiences, de recevoir des adresses, de tenir un langage exagéré, de s’agiter dans un cercle peu connu d’attributions ; il n’y a que le résultat produit cette fois par tout ceci qui est nouveau. Pour ceux qui voyaient le présent et ne connaissaient pas l’avenir, les actes de l’assemblée ne paraissaient pas aussi inusités et aussi révolutionnaires qu’à nous ; beaucoup de choses qui sont devenues des signes infaillibles d’anarchie n’avaient pas encore ce caractère. Les assemblées d’États avaient reçu, par exemple, des députations, des adresses, et s’étaient mises en relation avec le dehors.

Le parlement de Paris avait fait la même chose à Troyes, un an auparavant, et se serait mis aussi à la place du sou-