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des nobles, et ensuite aux nobles pour maintenir le peuple dans l’obéissance.

D’un autre côté, la noblesse avait cessé depuis longtemps de prendre part au détail du gouvernement. C’était le plus souvent des nobles qui conduisaient les affaires générales de l’État : ils commandaient les armées, occupaient le ministère, remplissaient la cour ; mais ils ne prenaient aucune part à l’administration proprement dite, c’est-à-dire aux affaires qui mettent en contact immédiat avec le peuple. Renfermé dans son château, inconnu du prince, étranger à la population environnante, le noble de France restait immobile au milieu du mouvement journalier de la société. Autour de lui étaient les officiers du roi qui rendaient la justice, établissaient l’impôt, maintenaient l’ordre, travaillaient au bien-être des habitants et les dirigeaient. Fatigués de leurs obscurs loisirs, les gentilshommes qui avaient conservé de grands biens, se rendaient à Paris et vivaient à la cour, seuls lieux qui pussent encore servir de théâtre à leur ambition. La petite noblesse, fixée par nécessité dans les provinces, y menait une existence oisive, inutile et tracassière. Ainsi parmi les nobles, ceux qui par la richesse, à défaut de pouvoir, auraient pu acquérir quelqu’influence sur le peuple, s’éloignaient volontairement de lui, et ceux qui étaient forcés de vivre dans son voisinage n’étalaient à ses yeux que l’inutilité et la gêne d’une institution dont ils lui semblaient les seuls représentants.

En abandonnant ainsi à d’autres les détails de l’ad-