Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 8.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surtout nécessaire lorsqu'il s’agit d’un peuple qui, pendant les cinquante dernières années, a été dans un état presque continuel de révolution. Les étrangers qui entendent parler de ce peuple et qui n’ont pas suivi d’un œil attentif les transformations successives qu’il a subies, savent seulement que de grands changements se sont opérés dans son sein, mais ils ignorent quelles portions de l’état ancien ont été abandonnées, et quelles autres se sont conservées au milieu de si longues vicissitudes.

On se propose dans cette première partie de donner sur l'état de la France, avant la grande révolution de 1789, quelques explications, faute desquelles l'état actuel serait très difficile à comprendre.

A la fin de l’ancienne monarchie l’Église de France présentait un spectacle analogue en quelques points à celui qu'offre de nos jours l'Église établie d’Angleterre.

Louis XIV, qui avait détruit toutes les grandes existences individuelles, dissous ou abaissé tous les corps, n’avait laissé qu’au clergé les apparences d’une vie indépendante. Le clergé avait conservé des assemblées annuelles, dans lesquelles il se taxait lui-même; il possédait une portion considérable des biens-fonds du royaume, et pénétrait de mille manières dans l'administration publique. Tout en restant soumis aux principaux dogmes de l’Église catholique, le clergé français avait pris cependant vis-à-vis du saint-siége une attitude ferme et presque hostile.

En isolant les prêtres français de leur guide spirituel, en leur laissant en même temps des richesses et de la