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rel au cœur de l’homme civilisé que, chez les nations polies, qui sont le moins disposées à s’y livrer, il se trouve toujours un certain nombre de citoyens qui le conçoivent. Ce besoin intellectuel, une fois senti, aurait été bientôt satisfait.

Mais en même temps que les Américains étaient naturellement portés à ne demander à la science que ses applications particulières aux arts, que les moyens de rendre la vie aisée ; la docte et littéraire Europe se chargeait de remonter aux sources générales de la vérité, et perfectionnait en même temps tout ce qui peut concourir aux plaisirs comme tout ce qui doit servir aux besoins de l’homme.

En tête des nations éclairées de l’ancien monde, les habitants des États-Unis en distinguaient particulièrement une à laquelle les unissaient étroitement une origine commune et des habitudes analogues. Ils trouvaient chez ce peuple des savants célèbres, d’habiles artistes, de grands écrivains, et ils pouvaient recueillir les trésors de l’intelligence, sans avoir besoin de travailler à les amasser.

Je ne puis consentir à séparer l’Amérique de l’Europe, malgré l’Océan qui les divise. Je considère le peuple des États-Unis comme la portion du peuple anglais chargée d’exploiter les forêts du Nouveau-Monde ; tandis que le reste de la nation, pourvue de plus de loisirs et moins préoccupée des soins matériels de la vie, peut se livrer à la pensée et développer en tous sens l’esprit humain.