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CHAPITRE IX


COMMENT L’EXEMPLE DES AMÉRICAINS NE PROUVE POINT QU’UN PEUPLE DÉMOCRATIQUE NE SAURAIT AVOIR DE L’APTITUDE ET DU GOÜT POUR LES SCIENCES, LA LITTÉRATURE ET LES ARTS.


Il faut reconnaître que, parmi les peuples civilisés de nos jours, il en est peu chez qui les hautes sciences aient fait moins de progrès qu’aux États-Unis, et qui aient fourni moins de grands artistes, de poëtes illustres et de célèbres écrivains.

Plusieurs Européens, frappés de ce spectacle, l’ont considéré comme un résultat naturel et inévitable de l’égalité, et ils ont pensé que, si l’état social et les institutions démocratiques venaient une fois à prévaloir sur toute la terre, l’esprit humain verrait s’obscurcir peu à peu les lumières qui l’éclairent et que les hommes retomberaient dans les ténèbres.

Ceux qui raisonnent ainsi confondent, je pense, plusieurs idées qu’il serait important de diviser et d’examiner à part. Ils mêlent sans le vouloir ce qui est démocratique avec ce qui n’est qu’américain.

La religion que professaient les premiers émigrants, et qu’ils ont léguée à leurs descendants, simple dans son culte, austère et presque sauvage dans ses prin-