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CHAPITRE IV


DE QUELQUES CAUSES PARTICULIÈRES ET ACCIDENTELLES QUI ACHÈVENT DE PORTER UN PEUPLE DÉMOCRATIQUE A CENTRALISER LE POUVOIR OU QUI L'EN DÉTOURNENT.


Si tous les peuples démocratiques sont entraînés instinctivement vers la centralisation des pouvoirs, ils y tendent d’une manière inégale. Cela dépend des circonstances particulières qui peuvent développer ou restreindre les effets naturels de l’état social. Ces circonstances sont en très-grand nombre ; je ne parlerai que de quelques-unes.

Chez des hommes qui ont longtemps vécu libres avant de devenir égaux, les instincts que la liberté avait donnés combattent jusqu’à un certain point les penchants que suggère l’égalité ; et, bien que parmi eux le pouvoir central accroisse ses priviléges, les particuliers n’y perdent jamais entièrement leur indépendance.

Mais quand l’égalité vient à se développer chez un peuple qui n’a jamais connu ou qui ne connaît plus depuis longtemps la liberté, ainsi que cela se voit sur le continent de l’Europe, les anciennes habitudes de la nation