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CHAPITRE III


QUE LES SENTIMENTS DES PEUPLES DÉMOCRATIQUES SONT D’ACCORD AVEC LEURS IDÉES POUR LES PORTER À CONCENTRER LE POUVOIR.


Si, dans les siècles d’égalité, les hommes perçoivent aisément l’idée d’un grand pouvoir central, on ne saurait douter, d’autre part, que leurs habitudes et leurs sentiments ne les prédisposent à reconnaître un pareil pouvoir et à lui prêter la main. La démonstration de ceci peut être faite en peu de mots, la plupart des raisons ayant été déjà données ailleurs.

Les hommes qui habitent les pays démocratiques n’ayant ni supérieurs, ni inférieurs, ni associés habituels et nécessaires, se replient volontiers sur eux-mêmes et se considèrent isolément. J’ai eu occasion de le montrer fort au long quand il s’est agi de l’individualisme.

Ce n’est donc jamais qu’avec effort que ces hommes s’arrachent à leurs affaires particulières, pour s’occuper des affaires communes ; leur pente naturelle est d’en abandonner le soin au seul représentant visible et permanent des intérêts collectifs, qui est l’État.