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CHAPITRE PREMIER


L’ÉGALITÉ DONNE NATURELLEMENT AUX HOMMES LE GOUT DES INSTITUTIONS LIBRES.


L’égalité qui rend les hommes indépendants les uns des autres, leur fait contracter l’habitude et le goût de ne suivre, dans leurs actions particulières, que leur volonté. Cette entière indépendance dont ils jouissent continuellement vis à vis de leurs égaux et dans l’usage de la vie privée les dispose à considérer d’un œil mécontent toute autorité, et leur suggère bientôt l’idée et l’amour de la liberté politique. Les hommes qui vivent dans ces temps marchent donc sur une pente naturelle qui les dirige vers les institutions libres. Prenez l’un d’eux au hasard ; remontez, s’il se peut, à ses instincts primitifs : vous découvrirez que, parmi les différents gouvernements, celui qu’il conçoit d’abord, et qu’il prise le plus c’est le gouvernement dont il a élu le chef et dont il contrôle les actes.

De tous les effets politiques que produit l’égalité des conditions, c’est cet amour de l’indépendance qui frappe