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de trouver une organisation militaire qui ait par elle-même la force de calmer et de contenir les gens de guerre ; ils s'épuiseraient en vains efforts avant d'y atteindre.

Ce n'est pas dans l'armée qu'on peut rencontrer le remède aux vices de l'armée, mais dans le pays.

Les peuples démocratiques craignent naturellement le trouble et le despotisme. Il s'agit seulement de faire de ces instincts des goûts réfléchis, intelligents, et stables. Lorsque les citoyens ont enfin appris à faire un paisible et utile usage de la liberté et ont senti ses bienfaits ; quand ils ont contracté un amour viril de l'ordre, et se sont pliés volontairement à la règle, ces mêmes citoyens, en entrant dans la carrière des armes, y apportent, à leur insu et comme malgré eux, ces habitudes et ces mœurs. L'esprit général de la nation pénétrant dans l'esprit particulier de l'armée, tempère les opinions et les désirs que l'état militaire fait naître ; ou, par la force toute puissante de l'opinion publique, il les comprime. Ayez des citoyens éclairés, réglés, fermes et libres, et vous aurez des soldats disciplinés et obéissants.

Toute loi qui, en réprimant l'esprit turbulent de l'armée, tendrait à diminuer, dans le sein de la nation, l'esprit de liberté civile et à y obscurcir l'idée du droit et des droits, irait donc contre son objet. Elle favoriserait l'établissement de la tyrannie militaire, beaucoup plus qu'elle ne lui nuirait.

Après tout, et quoi qu'on fasse, une grande armée, au sein d'un peuple démocratique, sera toujours un grand