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Chez un peuple où les rangs sont à peu près égaux, aucun lien apparent ne réunit les hommes et ne les tient fermes à leur place. Nul d'entre eux n'a le droit permanent, ni le pouvoir de commander, et nul n'a pour condition d'obéir ; mais chacun, se trouvant pourvu de quelques lumières et de quelques ressources, peut choisir sa voie, et marcher à part de tous ses semblables.

Les mêmes causes qui rendent les citoyens indépendants les uns des autres, les poussent chaque jour vers de nouveaux et inquiets désirs, et les aiguillonnent sans cesse.

Il semble donc naturel de croire que, dans une société démocratique, les idées, les choses et les hommes doivent éternellement changer de formes et de places et que les siècles démocratiques seront des temps de transformations rapides et incessantes.

Cela est-il en effet ? l'égalité des conditions porte-t-elle les hommes d'une manière habituelle et permanente vers les révolutions ? contient-elle quelque principe perturbateur qui empêche la société de s'asseoir et dispose les citoyens à renouveler sans cesse leurs lois, leurs doctrines et leurs mœurs ? Je ne le crois point. Le sujet est important ; je prie le lecteur de me bien suivre.

Presque toutes les révolutions qui ont changé la face des peuples ont été faites pour consacrer ou pour détruire l'inégalité. Écartez les causes secondaires qui ont produit les grandes agitations des hommes, vous en arriverez presque toujours