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modifient en quelque façon et dans certains pays la manière d'envisager les actions humaines, et l'estime qu'il convient d'en faire.

L'intérêt général et permanent du genre humain est que les hommes ne se tuent point les uns les autres ; mais il peut se faire que l'intérêt particulier et momentané d'un peuple ou d'une classe soit, dans certains cas, d'excuser et même d'honorer l'homicide.

L'honneur n'est autre chose que cette règle particulière fondée sur un état particulier, à l'aide de laquelle un peuple ou une classe distribue le blâme ou la louange.

Il n'y a rien de plus improductif pour l'esprit humain qu'une idée abstraite. Je me hâte donc de courir vers les faits. Un exemple va mettre en lumière ma pensée.

Je choisirai l'espèce d'honneur le plus extraordinaire qui ait jamais paru dans le monde, et celui que nous connaissons le mieux : l'honneur aristocratique né au sein de la société féodale. Je l'expliquerai à l'aide de ce qui précède, et j'expliquerai ce qui précède par lui.

Je n'ai point à rechercher ici quand et comment l'aristocratie du moyen-âge était née, pourquoi elle s'était si profondément séparée du reste de la nation, ce qui avait fondé et affermi son pouvoir. Je la trouve debout, et je cherche à comprendre pourquoi elle considérait la plupart des actions humaines sous un jour si particulier.

Ce qui me frappe d'abord, c'est que, dans le monde féodal, les actions n'étaient point toujours louées ni blâmées en raison de leur valeur intrinsèque ; mais qu'il arrivait quelquefois de les priser uniquement par rapport à