Les hommes qui vivent dans les pays démocratiques ne prisent point ces sortes de divertissements naïfs, turbulents et grossiers auxquels le peuple se livre dans les aristocraties ; ils les trouvent puérils ou insipides. Ils ne montrent guère plus de goût pour les amusements intellectuels et raffinés des classes aristocratiques ; il leur faut quelque chose de productif et de substantiel dans leurs plaisirs ; et ils veulent mêler des jouissances à leur joie.
Dans les sociétés aristocratiques, le peuple s’abandonne volontiers aux élans d’une gaieté tumultueuse et bruyante qui l’arrache tout à coup à la contemplation de ses misères ; les habitants des démocraties n’aiment point à se sentir ainsi tirés violemment hors d’eux-mêmes, et c’est toujours à regret qu’ils se perdent de vue. À ces transports frivoles ils préfèrent des délassements graves et silencieux qui ressemblent à des affaires et ne les fassent point entièrement oublier.