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ment inférieurs à celui qui les commande, ils se soumettent sans peine à lui obéir.

Il m’a semblé voir que ceux-là transportaient dans la servitude quelques unes des habitudes viriles que l’indépendance et l’égalité font naître. Ayant une fois choisi une condition dure, ils ne cherchent pas indirectement à s’y soustraire, et ils se respectent assez eux-mêmes pour ne pas refuser à leurs maîtres une obéissance qu’ils ont librement promise.

De leur côté, les maîtres n’exigent de leurs serviteurs que la fidèle et rigoureuse exécution du contrat ; ils ne leur demandent pas des respects ; ils ne réclament pas leur amour ni leur dévouement ; il leur suffit de les trouver ponctuels et honnêtes.

Il ne serait donc pas vrai de dire que, sous la démocratie, les rapports du serviteur et du maître sont désordonnés ; ils sont ordonnés d’une autre manière ; la règle est différente, mais il y a une règle.

Je n’ai point ici à rechercher si cet état nouveau que je viens de décrire est inférieur à celui qui l’a précédé, ou si seulement il est autre. Il me suffit qu’il soit réglé et fixe ; car ce qu’il importe le plus de rencontrer parmi les hommes, ce n’est pas un certain ordre, c’est l’ordre.

Mais que dirai-je de ces tristes et turbulentes époques durant lesquelles l’égalité se fonde au milieu du tumulte d’une révolution, alors que la démocratie, après s’être établie dans l’état social, lutte encore avec peine contre les préjugés et les mœurs ?

Déjà la loi et en partie l’opinion proclament qu’il