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CHAPITRE V


COMMENT LA DÉMOCRATIE MODIFIE LES RAPPORTS DU SERVITEUR ET DU MAITRE.


Un Américain qui avait longtemps voyagé en Europe, me disait un jour :

« Les Anglais traitent leurs serviteurs avec une hauteur et des manières absolues qui nous surprennent ; mais, d’une autre part, les Français usent quelquefois avec les leurs d’une familiarité, ou se montrent à leur égard d’une politesse, que nous ne saurions concevoir. On dirait qu’ils craignent de commander. L’attitude du supérieur et de l’inférieur est mal gardée. »

Cette remarque est juste, et je l’ai faite moi-même bien des fois.

J’ai toujours considéré l’Angleterre comme le pays du monde où, de notre temps, le lien de la domesticité est le plus serré, et la France la contrée de la terre où il est le plus lâche. Nulle part le maître ne m’a paru plus haut ni plus bas que dans ces deux pays.

C’est entre ces extrémités que les Américains se placent.