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on voit qu’ils n’espèrent et ne redoutent presque rien les uns des autres, et qu’ils ne s’efforcent pas plus de montrer que de cacher la place qu’ils occupent. Si leur contenance est souvent froide et sérieuse, elle n’est jamais hautaine ni contrainte ; et quand ils ne s’adressent point la parole, c’est qu’ils ne sont pas en humeur de parler, et non qu’ils croient avoir intérêt à se taire.

En pays étranger, deux Américains sont sur-le-champ amis, par cela seul qu’ils sont Américains. Il n’y a point de préjugé qui les repousse, et la communauté de patrie les attire. À deux Anglais le même sang ne suffit point : il faut que le même rang les rapproche.

Les Américains remarquent aussi bien que nous cette humeur insociable des Anglais entre eux, et ils ne s’en étonnent pas moins que nous ne le faisons nous-mêmes. Cependant les Américains tiennent à l’Angleterre par l’origine, la religion, la langue et en partie les mœurs ; ils n’en diffèrent que par l’état social. Il est donc permis de dire que la réserve des Anglais découle de la constitution du pays bien plus que de celle des citoyens.